(texte fred)
c'était la voix de Frédéric Valabrègue que j'ai questionné sur le 1er chapitre de Matière et mémoire parce que j'avais le projet de faire un
spectacle à partir de cet étrange univers d'images dont il est question dans ce texte
pour Bergson, le monde autrement dit la matière est un espèce de clapotement d'images
le corps est lui aussi une image et c'est la seule image qui a la capacité d'agir ou pas sur les autres images
c'est à dire que le corps perçoit, il peut choisir et réagir contrairement à un objet
ça a donné Blink, que j'ai créé à Zagreb avec des danseurs croates
Blink comme ouvrir et fermer les yeux
l'originalité de cette pièce est que toutes les actions sont simultanées, pour donner la sensation d'un mouvement
continu non séquencé
tout bouge, s'entrecroise, se chevauche
on fait beaucoup le ménage dans cette pièce
une fois que tout le plateau est nettoyé, c'est fini
c'est ce qui justifie la durée du spectacle
justement on est en train de voir les objets, plutôt les blocs d'objets qui sont déplacés sur le plateau et on peut
imaginer comment l'espace se transforme tout au long de la pièce
voilà une danseuse qui dort avec de la mousse
et là c'est Ogie et Sara qui font une course de ménage
loss comme perte et puis transformation, c'est le sujet de one shared object PROFIT AND LOSS, un des derniers
projets de Running times que j'ai créé en collaboration avec Martin Nachbar, un chorégraphe allemand.
l'enjeu de la pièce c'est la collaboration parce que j'avais envie que les choses puissent m'échapper
l'espace se transforme sans arrêt grâce à la présence d'un Kaïros en chair et en os qui construit en direct le
paysage de la pièce avec des bouts de ficelle
il a le rôle d'un perturbateur de temps, on vient juste de l'apercevoir
on a essayé de respecter la manière de travailler et les intentions de chacun
petit à petit grâce à des jeux qu'on a inventés ensemble, les motifs et les interprètes se sont mélangés pour
constituer une trame commune
"je vais rarement à l'endroit vers lequel je me mets en route" c'est Lawrence Sterne qui le dit dans son Voyage
sentimental
et voilà la dame du monde de notre résidence à Chalon
de plus en plus je m'achemine vers une danse qui trace un paysage, un climat
un paysage plutôt abstrait, à partir d'états physiques et de situations très concrètes
voilà, "As far as the eye can hear" la dernière étape en cours de Running times qui elle a l'ambition de construire
une image du temps
c'est conçu pour le plein air
au début, ça s'appelait "As far as the eye can see", "à perte de vue" en français, et puis j'ai remplacé see par hear,
on pourrait dire "à perte d'oreille"
on a besoin d'une grande profondeur de champ
à chaque présentation, on va adapter notre paysage dans l'endroit où on est invités
c'est agréable de voir les choses d'un peu plus loin, de jouer avec de grandes distances
ce qui soulève d'autant plus la question du spectateur qui revient dans ce diaporama
ça se pose dans un théâtre mais dehors, il y a beaucoup d'éléments qui sollicitent le regard et l' oreille
il y a beaucoup de flux naturels, les nuages, le vent, la chaleur, le trafic, les oiseaux…
Nilo, Theo, Ludo sont les 3 protagonistes de cette performance
besoin d'air… c'est vraiment ça …
martine pisani, février 2010
contacts