Son histoire commence ici, Katja Schneider, Tanz journal mai 2004
Ils se passent attitudes et mouvements comme dans une course de relais. Un de six sympathiques jeunes gens qui se tiennent sur les côtés de la scène commence, le suivant s’enclenche, tente de s’accorder aussi exactement que possible au dessin du premier, transmet au troisième qui se glisse derrière lui. En son centre, le groupe établit une figure qui porte les traits de chacun. Ainsi livre-t-elle par anticipation le programme de l’heure qui va suivre, programme stipulant que tous les danseurs de la compagnie de Martine Pisani créent ensemble un solo. Dans "Slow Down", le précédent travail de la Française, qui fut un succès d’estime, il y avait toujours un interprète qui manquait ; dans sa nouvelle pièce, "Bande à part", qui a été crée au festival "Tanztheater Internationa" de Hanovre, la chorégraphe met le plus souvent un interprète au centre de l’action, à la façon d’un soliste, tandis que les autres de ce "groupe d’originaux" se tiennent comme un chœur au second plan, chacun étant prêt à reprendre à tout moment la partie solo.
Qui embarque où et quand pourrait être spontané et improvisé, tout comme la succession des scènes particulières, juxtaposées les unes aux autres à la façon d’un collage, dans lesquelles on s’emploie à rendre visible de l’irreprésentable ("Je vais maintenant me perdre et me retrouver en 30 secondes") ou à réfléchir sur la situation de la représentation – comme paradoxe quand on nous présente des scènes qui ont été répétées, mais qu’on a finalement laissé tomber pour le spectacle. Ou quand le danseur refuse l’action décrite, que la parole projective et l’action effective se dissocient totalement et qu’on nous amuse ainsi de la plus belle des manières. Ensuite le dégingandé dit : "Eh bien voilà, on y est : je vais maintenant me déshabiller devant vous". Il explique combien la chose lui est pénible, commence par les chaussures et se met à s’interroger sur la stratégie la plus supportable, enlever d’abord le t-shirt, puis le slip, ou le contraire. Pour finir, il se tient là, nu devant nous, et en même temps, c’est tout habillé qu’il sort sur le côté.
Plusieurs scènes se traînent, d’autres sont drôles, quelques-unes dansées avec virtuosité, il en est certaines qui se dispersent. Plus de rigueur ferait du bien à la pièce, qui manque également de clarté, d’autant que les actions tournent parfois au divertissement sans saveur. Mais comme l’on fait tout de même une fois de plus allusion ici – sans les aborder certes jusqu’au bout – aux facettes de ce qui se montre et de ce qui se dissimule sur scène, le spectacle est joué plaisamment et avec une légèreté pleine d’entrain. Y compris une révérence ironique aux grands maîtres théoriques du théâtre d’autrefois et d’aujourd’hui, puisque la phrase qui clôt la pièce, "Pourquoi ce tambour qui s’approche?", est une variante d’une tirade d’Hamlet de William Shakespeare. Qui ne désigne pas Hamlet lui-même, comme chez Jérôme Bel, mais qui annonce l’arrivée de Fortinbras, et donc la fin de la tragédie. L’ancien prince est mort, le nouveau va venir.