Eloge du faux pas, Frédéric Valabrègue, Le cercle nautique de Pékin mai 2000

Les chorégraphies de Martine Pisani travaillent une matière, ce qui ne la rend pas pour autant sculpteur mais l'amène à explorer des axes, des centres de gravité, des poids.

Il y aurait d'abord cette attention à ce qui fait la matière d'un corps, c'est à dire le moment où l'enveloppe socialisée craque et laisse déborder une façon première d'être au monde.

Ce serait donc le corps au-delà de la ressemblance, de la représentation ou même de la dramatisation. Comme il est banal de remarquer le surgissement de l'inconscient à travers le lapsus ou l'acte manqué, ce corps est pris au moment où il n'est plus sous surveillance mais où il ne se lâche pas pour autant. Ce n'est pas le naturel, c'est un naturel naturellement emprunté. Notre jolie maladresse. L'aveu de notre inadéquation à des angles que nous voudrions bien arrondir.

Ainsi, la base de la danse serait-elle la marche. Déjà, dans celle ci, beaucoup est dit d'un être, en tout cas, largement autant que ses empreintes digitales. Une marche, une démarche est unique. C'est un rythme, un temps, une aisance et un empêchement. Il y a mille danses dans la marche, mille impulsions différentes qui toutes, peuvent être mises en place, c'est à dire dont les caractéristiques peuvent être systématisées.

Les danses de Martine Pisani partent de l'observation de corps qui ne sont pas des personnages, mais dont la systématisation des caractéristiques premières - l'allure - va faire des personnages sans nom.

De la même façon, il y a mille danses dans l'écart, le trébuchement ou le faux pas. Ces chorégraphies s'attachent à un espace liminaire où le mouvement hésite. Elles travaillent sur une hésitation et cultivent cette zone à la fois schizophrénique et burlesque annoncée par l'expression : être à côté de ses pompes.

Sur scène, il y a des espaces qui ne seront pas définis par une composition mais par des séries d'évitement. Pas d'harmonie, mais presque. Presque un unisson. Presque un groupe. Parmi nos dispositions infantiles, il y aurait celle qui consisterait à mettre le pied sur le rebord d'une ombre, ou de marcher à cloche pied entre l'ombre et la lumière, comme l'enfant de Rossellini. Peut-on imaginer un espace scénique organisé par de semblables dispositions ? Ou un espace scénique défini par un certain type de rapports, une façon particulière de s'approcher en gardant ses distances ?

Les figures naissent de cette demande particulière : tenir compte d'une inadéquation, d'un ajustement impossible, mais aussi de la façon dont un loupé se rattrape - dont on peut faire rimer un mouvement avec un loupé, ce qui le rattrape. D'où cet état de recherche, au delà de l'improvisation - très relative -, qui caractérise les rapports entre les danseurs.

Ils ne laissent s'installer aucune narration autre que l'inexactitude très ajustée de leur présence, une façon nue d'être là, contents et navrés, ce que le choix de textes dits sur scène - certains de Stéphane Mallarmé ou Daniil Harms - confirme ou souligne.

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