Berlin: Martin Nachbar, Martine Pisani "one shared object PROFIT AND LOSS", Irina Sieben, Ballet Tanz,

mai 2009

Quand les enfants jouent, ils ont le sérieux des hommes au travail. Leurs cinq sens sont sollicités. En danse, on appelle cet état d'éveil la présence. La française Martine Pisani et l'allemand Martin Nachbar ont non seulement le même prénom, mais ils partagent aussi ce goût du jeu sérieux, de la magie du hasard, dans une création aux règles strictes, dans laquelle il y a des perdants et des gagnants, des développements et des complications. C'est au cours d'une résidence à la Fabrik de Potsdam financée par le Tanzplan qu'est né ce travail d'équipe fantaisiste : "one shared object PROFIT AND LOSS", premier spectacle de danse à inaugurer, lors des Tanztage de Potsdam, l’immense et somptueuse nouvelle scène du Hans-Otto-Theater dans la Schinkelhalle. Ce que ces huit danseurs perdent ou gagnent, ce qui les anime, les motive ou les révolte reste un mystère jusqu'à la fin de la représentation. On assiste en somme à un collage collectif sur le modèle des cadavres exquis surréalistes, collage dansé que le spectateur s'approprie au fil des interprétations personnelles. Le procédé est connu de tous : une feuille de papier circule entre les participants – le premier dessine la tête, le suivant la poitrine, puis un autre la taille – mais, à chaque étape, la feuille est pliée, de manière à ne laisser comme repère que deux segments des dernières parties du corps dessinées. Le résultat : un monstre grotesque.

C'est d'après ce modèle de non-connaissance que les chorégraphes ont d'abord improvisé chacun de leur côté, puis repris les derniers motifs de l'autre groupe pour continuer. Trois acteurs dansent, les trois autres regardent ce jeu absurde fait de hasard et de suppositions. Un vent de légèreté et de poésie souffle sur l’audience amusée, bien que les mouvements soient souvent dictés par des restrictions et des empêchements : parfois, les danseurs doivent emboîter leurs chaussures sur de hauts talons. À les voir marcher ainsi, les spectateurs en ont mal aux tibias. Puis ils sautillent à nouveau, se jettent sans ménagement sur le sol ou s'arc-boutent l'un contre l'autre avec une force à faire s'effondrer la plus solide des pyramides. On prend le cauchemardesque au pied de la lettre: leurs semelles sont parfois en plomb et collent au sol. Ca n'avance pas, sauf en poussant sur les jambes de toutes ses forces. Soudain, le groupe décide de fuir et se précipite dans la salle comme au déclenchement d'une alarme à incendie.

L'homme derrière sa table à gauche (Gaëtan Bulourde) lance coups de trompette, cliquetis et autres cris de grillon virtuoses à travers ce chaos tempéré, à l'aide d'ustensiles trouvés dans une cuisine et dans la cave d'un bricoleur. Le scénographe Theo Kooijman envoie les signaux déterminant le temps et l'espace. Infatigable, il tend des cordes et compose à renfort de balais, tuyaux et lattes un mobile en transformation constante. Cette idée est géniale. De contorsions en manœuvres, les danseurs esquivent tant bien que mal ce Kairos divin, ce gardien du temps. Ils se blottissent les uns contre les autres, se tirent par les pieds jusqu’à donner dans le clownesque. Les contorsions de Hermann Heisig, grand escogriffe tout en souplesse, sont particulièrement désopilantes. Mais ça n'était pas indispensable. Le sérieux du jeu est en-soi déjà captivant.

Article traduit de l'allemand par Suzanne Viot

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