Martine Pisani avec notre estime, Gérard Mayen, Mouvement.net mars 2002
La pièce sans se déroule sans femmes ; sans dramatisation ; sans grands unissons ; sans montée en puissance ; sans musique, sans décor et sans variations de lumières. Sans interface technologique ! Et avec tout ça, emporte l'œil et l'esprit ; finalement une adhésion du cœur.
Avec, donc, un trio de garçons, qui évacue toute psychologie ou érotisation, et se contente de polos, chemisettes, t-shirts pour costumes et objets d'échanges. Mais qui affiche ses gueules et ses dégaines, trempées et singulières ; leurs corps en tours de Pise, en sémaphores, en figurines caoutchouteuses ; leurs têtes en vigie, cou en ergonomie de poupon, et yeux en poissons de dessins animés. Tous bien loufes et vivants du visage, dans leur marche extravagante, en arrière comme à l'avant, tâtant de l'équilibre comme d'un jeu, de la cassure comme figure, et des pas comme du tricot de jambes. Ils sont très fatigués ou très guillerets, très délurés, très tracassés. Fracassés. Trop, quoi.
Et ça n'arrête pas. sans nourrit un crépitant dialogue, de mille postures du geste possible. L'aléa du présent y fleurit les fantaisies de l'usage de soi, et les rebondissements de la rencontre des autres. Trajectoires en fuite sous pas sautés ; croisements, tassements. Cette pièce se déplie en déjetés, et se saisit en déhanché, sans ostentation.
Clopin, clopant, se distribuant comme on bat les cartes, pétillante de combinaisons sous l'apparence des hasards purs, affranchie du souci de surexposer son projet, mais rivée à l'exigence d'évacuer les artifices de scène, par cette double caractéristiques ni branchée ni popu, ni conceptuelle ni consensuelle, mais non sans un implacable humour, la pièce de Martine Pisani ne peut qu'emporter toute notre estime.